
Diffusé sur France 3 demain soir


J' ai jamais vu mais ca m' interresse et je vais essayer de pas le louper
la semaine télé
Shoah, exprimer l’indicible
Événement. France 3 diffuse, dans son intégralité, l’oeuvre majeure de Claude Lanzmann alors que l’on célèbre le 60e anniversaire de la libération des camps.
Shoah. France 3. Lundi 24 janvier à 20 h 55. 1re partie (2 h 30), 2e partie à partir de 00 h 00 (6 h 40). Public Sénat : samedi 5 février de 21 h 30 à 1 h 30. 6 février de 17 heures à 21 heures.
« Oui, c’était terrible », raconte Simon Srebnik, conduit enfant à Chelmno-sur-Ner, le premier camp d’extermination des juifs par le gaz. « On ne peut raconter ça. Personne ne peut se représenter ce qui s’est passé ici. Impossible. Et personne ne peut comprendre cela. Moi-même aujourd’hui... » Simon, qui témoigne dans Shoah, a été exécuté le 18 janvier 1945. Mais la balle ne toucha pas les centres vitaux. Recueilli par un paysan polonais, l’enfant de treize ans et demi, l’un des rares rescapés de Chelmno, fut soigné par un médecin-major de l’Armée rouge, celle-là même qui venait de libérer le camp d’Auschwitz. Ce sont les premières images de cette oeuvre monumentale qu’est Shoah.
« Diffuser Shoah dans son intégralité, c’est un événement absolu. Ça n’a jamais été fait, rappelle le réalisateur Claude Lanzmann. Mon film est une oeuvre qui joue sur la temporalité. Cela témoigne d’une rare et très haute conscience du service public. J’ai mis un peu plus de onze ans pour faire ce film. J’ai été le maître du temps, j’obéissais à ma propre loi. » Cent millions de personnes dans le monde ont déjà vu Shoah, film choc sorti en 1985. En septembre dernier, il était projeté à Nankin, en Chine, ville où, en 1937, l’armée impériale japonaise commit des actes de barbarie qui firent de cette tragédie la Shoah des Chinois. 300 000 personnes furent massacrées, « les bourreaux sont les mêmes partout, les victimes sont les mêmes partout », comme le dit Claude Lanzmann.
Dans la préface du livre Shoah, intitulée « La mémoire de l’horreur (1) », Simone de Beauvoir écrit ces mots à propos de Shoah, qu’elle considère comme « un pur chef-d’oeuvre ». « Ni fiction ni documentaire, Shoah réussit cette recréation du passé avec une étonnante économie de moyens : des lieux, des voix, des visages. Le grand art de Claude Lanzmann est de faire parler les lieux, de les ressusciter à travers les voix, et par-delà les mots d’exprimer l’indicible par des visages. »
Le réalisateur de Shoah n’a pas cherché à répondre à la question du pourquoi des tels actes de barbarie ont pu être possibles ? « On ne répond pas à cette question. Il y a mille raisons à l’extermination des juifs. Mais il y a un abîme entre les raisons du crime et le passage à l’acte, ce meurtre de masse », prévient Claude Lanzmann. Et le nom Shoah ? « Si j’avais pu ne pas nommer ce film, je l’aurai fait. Comment aurait-il pu y avoir un nom pour nommer un événement sans précédent dans l’histoire ? Je disais "la chose". Ce sont des rabbins qui ont trouvé le nom de Shoah. Mais cela veut dire anéantissement, cataclysme, catastrophe naturelle. Shoah, c’est un mot hébreu que je n’entendais pas, que je ne comprends pas. C’est un mot court, infracassable. Un mot opaque que personne ne comprendra. Un acte de nomination radicale. Un nom qui est passé dans la langue, sauf aux États-Unis. » Où l’on continue d’utiliser le terme plus religieux d’Holocauste.
Lanzmann n’a pas utilisé d’images d’archives dans son film, qui traite uniquement des camps d’extermination en Pologne. Parce qu’il n’y a pas d’image, ou si peu des camps d’extermination. « À Treblinka, il y a une seule photo, à Sobibor rien. Les gens étaient tués dans les deux heures suivant leur arrivée [...]. Je défie quiconque de figurer par une fiction la mort de 3 000 personnes dans des chambres à gaz. Spielberg lui-même ne l’a pas fait (dans la Liste de Schindler - NDLR). La confrontation avec le noir soleil de la mort, seul Shoah le fait, sans montrer un seul cadavre. » Et, poursuit-il, « l’enjeu essentiel, c’est la mémoire de la Shoah. Il est vital que cette histoire reste gravée dans les esprits. Il faut absolument éviter qu’elle ne se dissolve dans le brouillard. Décréter qufiction sur le "Lager" est dès lors impossible, c’est aller trop vite, car on ne sait jamais comment un film rencontre son spectateur. Il y a des adolescents pour lesquels la Liste de Schindler a servi de point de départ [...] qui les a plus tard conduits à voir Shoah ».
Claude Baudry
