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[Reportage] Sur les traces de Toussaint Louverture

Posté : 18.06.2005 - 08:21
par Soundjata
Sur les traces de Toussaint Louverture

Reportage de TV5 sur la vie de Toussaint Louverture

A télécharger à cette adresse :
http://intox.zapto.org/media/download.p ... 7_06_05.rm

Avec les interventions de Claude Ribbe (dans le musée), Aimé Césaire et Christiane Taubira.



Soundjata

Posté : 18.06.2005 - 08:53
par BouBout
Comme tu le dis, c'est un reportage, ce n'est pas un sujet d'actualité.
A moins que je ne me trompe (je ne l'ai pas vu, il faut real player pour le lire et je n'ai pas envie de me l'installer).

Je déplace donc dans TV.
:wink:

Pour plus de renseignements... ICI (page 2).

Posté : 19.06.2005 - 07:59
par Soundjata
Oui il s'agit bien d'un reportage télé d'une heure environ. Très émouvant et superbement raconté.
Aussi je rêverais d'une adaptation cinématographique en hommage à ce héros.

Pour prolonger la sujet voici un article consacré aux grandes révoltes durant l'ère coloniale, histoire de rappeler que nous devons notre liberté non pas aux "gentils" abolitionnistes européens, mais bel et bien grâce à la résistance continue passive et surtout active de nos ancêtres face à l'oppression des colons :



Les révoltes d'avant l'Amistad (I) par Dieudonné GNAMMANKOU*

Etait-on informé des événements liés à la traite transatlantique et à l'esclavage des Africains partout en Europe, y compris dans la lointaine Russie qui n'y était pas directement impliquée? Les sources d'information sur la traite négrière et l'esclavage étant variées et pour beaucoup encore inexplorées, il nous a paru intéressant de voir ce que la presse russe du XVIIIe siècle pouvait en dire. Et surtout de chercher à savoir si on y évoquait les révoltes d'esclaves.

Les journaux européens de l'époque de la traite négrière diffusaient des dépêches d'information sur les traités conclus entre différents Etats européens relatifs au > négrier, sur les différentes compagnies maritimes négrières d'Angleterre, de France, de Hollande..., sur les départs et arrivées des bateaux négriers et le nombre de Nègres enlevés, sur les capitaux investis en vue de développer la traite, sur les rivalités et les guerres opposant les Etats européens négriers entre eux -en Afrique, en mer, dans les Caraïbes ou sur le continent américain- sur les stratégies employées par les Européens pour impliquer de force des souverains africains des côtes, notamment en prenant en otage des jeunes princes envoyés en Europe et éduqués à la cause du trafic négrier, etc.

Les journaux ne manquaient pas aussi d'informer les lecteurs sur les résistances des populations africaines à la traite, les révoltes de captifs dans les navires pendant la traversée, et les insurrections des esclaves dans les colonies du Nouveau Monde. Il y eut en effet, une opposition constante des Africains à la traite et à l'esclavage qui aboutissait parfois à des massacres de négriers ou d'esclavagistes européens. Des dépêches en provenance de différentes capitales européennes, d'Afrique et des villes du Nouveau Monde étaient publiées régulièrement. Au nombre des lecteurs les plus fidèles des journaux, il y avait les banquiers et autres investisseurs officiels et privés qui finançaient la traite, les responsables des compagnies négrières, les parents et amis des négriers partis faire le commerce du <bois d'ébène>...

Bien entendu, ces révoltes n'étaient pas présentées comme des actions héroïques entreprises par des hommes épris de liberté. Il s'agissait tout simplement d'informer l'opinion européenne d'événements qui étaient considérés comme tristes et malheureux qui étaient annonciateurs de pertes financières pour ceux qui avaient des intérêts dans ce commerce peu ordinaire.

Toutes ces informations apparaissaient dans le principal journal russe du XVIIIe siècle, Sankt-Peterburgskie Vedomosti, (Nouvelles de Saint-Pétersbourg, de parution en moyenne bihebdomadaire) dont nous avons étudié les centaines de numéros parus entre 1730 et 1754 (1). On y découvre semaine après semaine, année après année, une série d'événements relatifs au commerce négrier.

En lisant par exemple le compte rendu publié dans le journal en 1753 au sujet des Africains qui se révoltèrent à bord du "Marlborough" et qui parvinrent à tuer l'équipage ne laissant la vie sauve qu'à deux marins négriers à qui ils enjoignirent de les ramener en Afrique, on a l'impression de lire le scénario de l'Amistad. Combien y eut-il de "Marlborough"? Combien d'"Amistad"? La révolte de captifs africains en 1839 à bord de l'Amistad comme on peut le voir dans le film du réalisateur américain Spielberg n'est en fait que l'un des derniers épisodes d'une chaîne ininterrompue de mutineries, insurrections, rébellions, révoltes auxquels furent confrontés les négriers et esclavagistes européens pendant toute la durée du trafic négrier.

Autre fait remarquable, l'un des plus importants lecteurs russes des Nouvelles de Saint-Pétersbourg était un Noir...A Pernov puis à Reval (Tallinn), villes estoniennes, de 1731 à 1752, puis à Pétersbourg à partir de 1752, vivait un Africain originaire du bassin du lac Tchad, (actuel Cameroun) Abraham Hanibal , qui était général de l'armée impériale russe. Ancienne victime de la traite négrière en direction de l'Empire ottoman, il avait retrouvé la liberté en Russie où il était devenu l'une des personnalités les plus instruites. Que pouvait donc t-il apprendre dans Les Nouvelles de Saint-Pétersbourg sur l'Afrique et sur la traite négrière qui saignait son continent natal?

La lecture des Nouvelles de Saint-Pétersbourg, qui était publié par l'Académie des Sciences de Russie, nous permet par exemple de confirmer l'importance et la permanence des révoltes. Ainsi Hanibal à Reval ou le lecteur russe anonyme de Moscou ou de Novossibirsk pouvait savoir que les Africains qui tombaient sous la coupe des négriers européens s'opposaient par tous les moyens à leur mise en esclavage, que les résistances avaient lieu en Afrique même, à l'intérieur et sur les côtes, puis durant la traversée de l'Atlantique dans les bateaux négriers, et enfin dans les plantations du Nouveau Monde.

Il apparaît donc que contrairement à ce qu'ont écrit certains historiens, ce ne sont pas seulement les Européens vivant dans les grands ports négriers -Nantes, Bordeaux, Londres, Liverpool, La Rochelle, Marseille, Amsterdam, etc.- qui étaient informés de l'existence du commerce négrier. C'est au moins toute l'Europe instruite à l'époque de la traite négrière qui était informée et ce, depuis les côtes de la Méditerranée jusqu'en Sibérie où on pouvait lire avec des semaines de retard le journal officiel qui arrivait de Pétersbourg.

Nous avons sélectionné et traduit du russe les pages suivantes extraites des numéros du journal, Les Nouvelles de Saint-Pétersbourg, parus entre 1730 et 1754 et dont la lecture nous paraît retracer des moments significatifs des résistances africaines pendant la période de la traite négrière :

1730
-Révolte d'esclaves nègres aux Bermudes. Les Nègres ont empoisonné les habitants. Le calme est revenu après qu'on eût décapité certains de ces Nègres.
-Révolte de Nègres en Virginie : tous les Anglais se sont armés.
-En Guinée, près de la rivière Gambie, les sujets du roi Fonka se sont révoltés : le palais, le roi, sa mère, ses sept épouses, ses deux frères, tous ses enfants et de nombreux serviteurs ont brûlé vif.
-En Jamaïque : révolte de Nègres; le nombre de révoltés ne cesse d'augmenter. Les bateaux de guerre "Hector" et "Princesse Louise" ont été envoyés de Gibraltar pour venir en aide aux propriétaires anglais de l'île.

1731
-Révolte d'esclaves en Caroline du Sud : début octobre, les Nègres ont tenté de massacrer tous les habitants européens de la Caroline du Sud. Les massacres n'ont pas eu lieu suite à un désaccord entre les Noirs. Autrement, les 3000 Européens auraient été massacrés par les 28 000 Noirs.
-De Jamaïque le 4 mai : l'armée qui est arrivée ici combattre les Nègres insurgés a réussi sa mission puisqu'elle a pris leur forteresse de Saint Antoine et l'a incendiée de même qu'elle a dispersé leur armée qui s'y était rassemblée.
-De Boston le 20 octobre : Le complot des Nègres de Caroline du sud visant à massacrer tous les Européens du pays au début de ce mois a échoué suite à l'apparition heureuse de désaccords en leur sein; n'eût été ce événement, tout semble indiquer que les 3000 Européens de la province auraient été tués par les 28000 Nègres.

1736
-Le gouverneur de la Jamaïque demande qu'on lui envoie six régiments supplémentaires pour mettre fin aux agitations qui secouent l'île, mais surtout pour disperser les Nègres insurgés qui, une fois de plus sont sortis dans les rues en grand nombre.

1740
-On apprend de Kingston en Jamaïque (des lettres du 26 novembre) qu'un dangereux complot des Nègres de là-bas visant à tuer et exterminer les Européens a été heureusement déjoué, que tous les meneurs de ce complot ont été arrêtés. Leur chef nègre qui était le surveillant du magasin de M. Vrags, avait prévu en cas de réussite de leur entreprise se proclamer Roi. Il voulait faire de l'épouse de son maître -pour qui ce More avait un amour sans borne- sa Reine.
-En Jamaïque un grand nombre de Nègres veut s'allier aux Espagnols contre les Anglais.
-En Jamaïque plus de 2 000 Nègres ont provoqué des troubles avec l'intention de s'allier aux Espagnols contre les Anglais.
-Une dépêche rappelle que les Nègres de Caroline ont une propension à se soulever.

1741
-A Saint Domingue une caisse de poudre a pris feu à bord d'un navire du nom de "Rouen", ce qui a fait sauter un autre navire qui se trouvait à côté et dans lequel se trouvaient cinq cents hommes nègres.
-On apprend de Caroline que les Noirs ont de nouveau tenté d'exterminer les Blancs, raison pour laquelle plusieurs d'entre eux ont été arrêtés et leur chef principal a été brûlé vif.

1750
-Allusion à la dernière révolte menée par les Noirs sur un territoire dont le gouverneur est un certain Maurice qui a reçu le général Chkorp et ses officiers qui venaient d'accoster avec une armée.

1751
-De Paris, le 23 mars : Des nouvelles de la Rochelle au sujet du bateau du Sultan qui est parti de ce port pour acheter au Sénégal de 500 à 600 nègres et qui se trouvait sur le chemin du retour vers Saint Domingue : cinq jours après le départ, les dits Nègres se sont révoltés, ont tué le capitaine, gravement blessé un autre, et malmené aussi le lieutenant. Pour cette raison, on fut obligé de tirer au canon sur les révoltés, causant ainsi la mort de 150 personnes tandis que 40 se jetèrent à la mer. Finalement, après que 228 nègres et 15 matelots eurent été tués, la révolte prit fin et les autres furent conduits sans problème à Saint Domingue.

1752
-Les marchands de la ville viennent d'apprendre qu'à Curaçao, le général major Sperken a dû faire usage des plus sévères mesures militaires et armer tous les immigrants pour exterminer les Nègres qui se sont soulevés; ils ont été pour la plupart tués ou arrêtés, quant à ceux qui ont fui, des soldats ont été chargés de leur couper la route.
-On apprend d'Afrique qu'une violente bataille a opposé la garnison portugaise de Iagatsam (?) et les Nègres : les habitants de la région manquaient de bois et le gouverneur don Antonio Alvarez Da Cunha décida d'abattre des arbres en quantité suffisante dans la forêt proche; le 7 décembre 1751, il ordonna à don Juan Froes de Brito de prendre un détachement de 200 soldats pour assurer la protection les bûcherons. Mais alors qu'ils coupaient les arbres, 2 000 Nègres attaquèrent les Portugais. Le gouverneur avait craint à l'avance une telle attaque et s'était donc préparé en conséquence; dès qu'il fut informé que don Brito avait été attaqué il lui vint en aide. Après avoir repoussé les assaillants, il ramena ses hommes en ville avec le bois nécessaire.
-On annonce un soulèvement de Nègres à Surinam.
-Un soulèvement de Nègres a lieu en Guadeloupe et à la Grande Terre. Les Français soupçonnent les Anglais de vouloir leur venir en aide. Pour cela, ils attaquent tous les navires anglais qui s'approchent de cette région.
-Des lettres annoncent un soulèvement d'esclaves à la Martinique qui a des conséquences sur les îles voisines à l'est de la Guadeloupe et à Grande Terre où se sont rassemblés 900 hommes qui ont tué plusieurs Français et causé de sérieux dégâts aux usines de sucre. On ne doute pas aussi que ce sont eux qui furent à l'origine de l'incendie qui avait ravagé environ 700 maisons de Saint Pierre de la Martinique, ce qui avait appauvri les malheureux habitants de l'île.
-Des lettres de Martinique annoncent qu'un incendie a frappé l'une des plus belle villes de l'île; on a découvert que le feu avait été allumé par des esclaves qui ont été arrêtés; parmi eux plus de la moitié étaient des Négresses qui voulaient provoquer une révolte. Certaines d'entre elles ont été pendues.
-La rébellion de Martinique n'a pas été aussi dangereuse qu'on l'a dit au départ. Cependant de source sûre, quelques Français ont été tués au nombre desquels le capitaine Bourgne.

1753
-Avons reçu une mauvaise nouvelle : le capitaine Cod, commandant du navire de Bristol, le "Marlborough", était parti de Guinée avec un certain nombre de Nègres ; ceux-ci se sont soulevés du fait de l'imprudence du capitaine qui leur avait donné une grande liberté; ils ont pris possession du navire et tué le capitaine et les autres personnes à bord à l'exception de deux d'entre eux à qui ils ont laissé la vie sauve pour ramener le bateau sur la côte de Guinée.
-De Paris le 31 juillet : le roi a renouvelé pour quelque temps l'accord signé avec le souverain d'Annamabo en faveur du commerce des sujets français sur la côte africaine. Ce souverain enverra ici deux jeunes Nègres de sang royal en otage qui seront pris en charge par Sa Majesté et éduqués selon les moeurs d'ici.
-De Londres le 24 juillet : des navires de surveillance français attaquent les bateaux des Anglais et des autres nations qui s'approchent de la Guadeloupe et de la Grande Terre pour empêcher qu'on apporte de l'aide aux esclaves qui se sont révoltés.

1754
-Des lettres venues de Bridgemont (Barbades) datant du 23 janvier dernier annoncent que la terreur y règne depuis un certain temps car les Nègres se sont mis à faire toutes sortes de vilenies. Ils ont entre autre attaqué un Européen un soir dans la rue, l'ont roué de coups d'une manière inhumaine et l'ont tailladé au point où il a succombé peu après de ses blessures. Trois des assassins furent arrêtés et soumis au supplice de la roue le jour suivant. L'un de ces Nègres qui était encore en vie après une semaine de supplice, annonça au magistrat que si l'enquête sur l'assassinat n'avait pas abouti, ils avaient projeté à la prochaine fête de l'église de tuer tous les Blancs de l'île et de mettre le feu à la ville. Depuis lors, une partie des habitants monte la garde toutes les nuits et un régiment de dragons fait la ronde jour et nuit.
-On apprend de la Caroline du Sud le 14 mai que les nouvelles reçues en provenance des côtes de Guinée font état d'une réinstallation des Français sur la rivière Gambie à la suite du retrait des Anglais; et que le commerce des Nègres devient chaque jour plus difficile à faire, parce que ceux-ci se révoltent souvent, et récemment encore ils ont massacré tout l'équipage d'une embarcation qui se rendait des West Indies à Liverpool.
-Un navire de guerre arrivé d'Afrique indique qu'aucune véritable révolte n'a eu lieu au Sénégal comme annoncé auparavant; c'est un petit groupe de Noirs qui avaient pris les armes, mais dès que le commandant du Sénégal se dirigea vers eux avec deux canons, ceux-ci déposèrent leurs armes et se rendirent.
-Il est arrivé un malheur sur les côtes africaines au capitaine Kafield parti pour l'Afrique avec un navire en vue d'y acheter des esclaves. Descendu sur la terre ferme, il s'est éloigné du bateau pour quelques jours; entre temps, des Nègres sont arrivés vers le bateau prétextant vendre des captifs. Mais dès qu'ils sont montés à bord du navire, ils ont sorti des couteaux et des sabres et abattu tout le monde sauf un membre de l'équipage qui s'est enfui dans la forêt et qui a informé le capitaine de la mort de tous ses compagnons ainsi que du pillage du navire.

Notes :

C'est l'occasion de remercier le Centre d'Etudes Africaines (CEA) de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHESS-Paris), la Maison des Sciences de l'Homme (MSH-Paris) et l'Académie des Sciences de Russie qui ont mis à ma disposition les moyens financiers et matériels m'ayant permis de réaliser entre autre des recherches dans les Archives de la Bibliothèque de l'Académie des Sciences de Russie (BAN) à Saint-Pétersbourg en décembre 1997.

Pour plus d'informations sur le général noir de Russie, se reporter à notre livre, Abraham Hanibal, l'aïeul noir de Pouchkine, Présence Africaine, 2eme édition Paris, 1998.

http://www.gnammankou.com/revoltes2.htm

*Dieudonné GNAMMANKOU est chercheur béninois en études slaves et africaines. J'ai déjà eu l'occasion de le rencontrer à deux reprises, un grand monsieur dont l'érudition et l'humilité force l'admiration.



Soundjata