Sacré Winding Refn, on ne l’arrête plus !
Le voilà qui accède encore au niveau supérieur en signant un remarquable thriller urbain atmosphérique et bien sec aux entournures
Drive.
J’aime bien le côté ultra basique du scénario : un braquage raté, un butin encombrant, des poursuites en bagnole, une romance.
Le genre d’intrigue usée jusqu’à la corde.
Des films avec les mêmes ingrédients narratifs que
Drive, on en a tous vu des dizaines.
Et pourtant.
Pourtant
Drive va se hisser à un niveau d’excellence presque indécent grâce à un personnage principal inoubliable et un formalisme beau à crever
Le Driver : un protagoniste à l’ancienne (très « hawksien ») se définissant exclusivement par et dans l’action (la première poursuite en bagnole, une merveille de précision, nous dit tout sur lui).
Des dialogues réduits au maximum. Une économie de parole poussée à l’extrême.
A quoi bon gâcher sa salive ?
Quand le Driver parle, on l’écoute.
Une de ses plus longues tirades, sa première aussi, c’est son discours archi rôdé sur la nature de ses prestations.
Pas un mot de trop et cette certitude : le Driver fait ce qu’il dit.
Superbe prestation d’un Ryan Gosling qui compose parfaitement un perso oscillant entre le cowboy (le jeune Eastwood n’est pas loin) et le samouraï moderne (cette sensation d’acceptation par rapport à tout ce qui est susceptible de se produire … Hagakure style).
Je surkiffe ce faciès imperturbable barré par une sorte de rictus figé.
Une espèce de masque ironique qui semble se gausser de la futilité du monde, de l’existence.
Classe !
Si le visage reste impassible, l’homme dégage paradoxalement une large palette d’émotions : sang-froid et concentration atomiques, joie, bouillonnement intérieur, affliction, etc.
Le Driver, c’est un rocher qui vibre.
Derrière la caméra Winding Refn calque son comportement sur celui de son personnage principal.
Drive sera ainsi un film pas forcément très démonstratif (les braquages resteront hors-champ et il ne faut pas s’attendre à des poursuites automobiles longues et répétées) mais d’une précision redoutable (NWR utilise sa caméra comme le Driver manie son volant).
Mise en scène ultra chiadée qui emprunte le meilleur du formalisme des seventies (le côté urbain sec) et des eighties (l’aspect clinquant mais beau).
Le western n’est jamais loin non plus, tout comme le cinéma de Walter Hill, John Carpenter et Michael Mann.
Ces vues aériennes de L.A. la nuit !
Ces plans dans l’habitacle de la voiture !
La visite, marteau en main, dans les vestiaires du strip club !
Ce plan du Driver grimé repérant sa proie à travers le hublot d’une porte !
Gros film d’ambiance (merci la photo et la bande-son), mélancolique, poétique (la virée dans les égouts au crépuscule), mais capable aussi de balancer des moments chargés d’une tension phénoménale (l’attente des braqueurs dans la voiture

) et des éclats de violence âpre (avec une nette préférence pour les têtes explosées comme des pastèques

).
A l’arrivée, une sacrée ballade.
Le côté flottant du métrage et la sérénité du Driver ont quelque chose de communicatif.
J’en suis ressorti détendu, apaisé.
Je crois même que j’avais un petit rictus sur le visage.